Protéger et accueillir la biodiversité chez soi

Vous n’ êtes pas sans savoir que la biodiversité chute de façon dramatique aux quatre coins de la planète… Réchauffement climatique, destruction des espaces naturels, agriculture intensive, utilisation des produits phytosanitaires, chasse, traditions ancrées, lobbying intensif sont parmi les nombreuses raisons qui concourent à cette situation catastrophique. On a bien sur tous en tête des exemples comme les Ours polaires qui subissent de plein fouet le réchauffement climatique encore plus marqué dans l’Arctique, les espèces emblématiques des grandes savanes africaines braconnées à outrance, les félins qui à travers le monde sont pourchassés pour satisfaire la médecine dite chinoise, la déforestation sans précédent au profit de gigantesques étendues dédiées à l’alimentation pour l’élevage occidental… je m’arrête là, la liste est très longue, trop longue. Mais cette perte de biodiversité se déroule aussi sous nos latitudes et sous nos yeux ! La préservation de la faune et des milieux naturels n’est que trop souvent le parent pauvre des programmes politiques, bien moins clinquante et intéressante financièrement que la « transition écologique »… Face à cela, que faire, comment agir ?
A partir du moment où l’on possède un espace extérieur, un balcon, un jardin, de la forêt, des terres agricoles, en ville ou à la campagne, en pied d’immeuble comme autour de son chalet, on peut directement agir pour tenter d’améliorer la situation, même si l’intervention est très locale ! On peut donc quasiment tous agir, c’est important de la dire...
D’autant que, plus il y a de volontés d’accueillir et protéger la faune, de réalisations privées par des particuliers et plus se constituera un maillage de lieux propices au repos, au nourrissage, à la reproduction. C’est une façon évidente de lutter à plus grande échelle contre la raréfaction des habitats et de compléter l’action publique, aussi minime soit-elle pour le moment (oui j’insiste un peu sur ce point…). On tend ainsi à s’approcher de la notion de corridor biologique qui fonctionne très bien pour des grosses espèces (Félins…) comme pour de bien plus petites (Amphibiens ou Reptiles par exemple).
C’est ce triptyque Nourriture / Repos (=sécurité) / Reproduction qu’il faut avoir en tête pour envisager son refuge pour la biodiversité. Les uns ne vont pas sans les autres.

Nombreuses sont déjà les personnes qui nourrissent l’hiver les oiseaux du jardin. Au delà des débats que le nourrissage génère, c’est un premier pas, à condition de le faire avec des produits sains (les graines de tournesol bio sont ce qu’il y a de mieux) et uniquement durant les périodes froides.
Mettre à disposition de l’eau, par temps chaud, canicule et quand les températures deviennent négatives est au moins aussi important.
Mais on peut aller bien plus loin.
La pose de nichoirs est fréquemment réalisée dans nos jardins. Là encore, outre le plaisir que cela procure de voir des parents nourrir et des nichées prendre leur envol, cela permet à de nombreuses espèces semi ou cavernicoles de trouver un lieu pour nicher alors que les cavités naturelles disparaissent. Mais attention, il ne faut pas faire n’importe quoi, cela nécessite en amont un peu d’observation, afin de connaître les espèces qui fréquentent le jardin ou les espaces environnants. Il faut veiller également à bien les placer, pour se donner le plus de chances possibles de les voir occupés. Chaque espèce a ses exigences. Ainsi le Moineau domestique, espèce commune en fort déclin (-70 % des effectifs à Paris ces vingt dernières années), niche en colonie ; installer un seul nichoir n’aurait donc que peu de chances d’être occupé. Autre exemple, placer des nichoirs à Martinet noir côté sud et c’est le risque de voir les petits quitter les nids avant de savoir voler, du fait d’une chaleur dans les nichoirs bien trop grande. Se documenter est donc essentiel avant de les fabriquer, les acheter et les poser. Mieux vaut également les placer relativement éloignés les uns des autres (quand c’est possible) et destinés à des espèces différentes pour éviter tout souci de querelles territoriales entre individus d’une même espèce.
Bien sûr, d’autres types de gîtes et abris peuvent et doivent être installés. Du célèbre (et utile !) hôtel à insectes (souvent habité par d’autres animaux d’ailleurs), en passant par le gîte à hérissons et l’abri à Chiroptères, on aide là des espèces fréquemment qualifiées d’utiles : pollinisation, prédation des ravageurs du potager et des désagréables moustiques… Utile donc à l’homme, si ce prisme permet de « prendre soin » de cette petite faune, pourquoi pas !
En matière d’abris naturels, les haies sont un must car elles peuvent fournir à elles seules les trois éléments essentiels que sont la nourriture, de la sécurité et un espace pour se reproduire pour de nombreuses espèces !
Alors si c’est possible chez vous, n’hésitez pas ! Bien sûr, on bannit les Thuyas, mais on plante une haie constituée d’espèces arbustives variées et fruitières, pourquoi pas étagée sur différents niveaux. Y laisser se développer le Lierre est également une excellente nouvelle pour la faune.

Qui dit haie, végétation variée, dit bien sûr pas de produit phytosanitaire dans le jardin, c’est même la base à mon avis de toute démarche de ce type ! Leurs effets sont bien trop destructeurs sur l’ensemble de la chaîne alimentaire… On peut également envisager d’oublier de tondre régulièrement la sacro-sainte pelouse, espace peu propice à la diversité végétale et animale. Hautes herbes, graminées, prairies fleuries sont bien plus intéressantes pour la petite faune tant en terme de nourriture que d’abri.

Creuser un point d’eau, une mare, même de petite surface, peut aussi s’avérer extrêmement intéressant pour la faune avec, à terme, l’arrivée d’espèces (Odonates, Tritons, Grenouilles...) qu’on ne soupçonnerait pas ! Les oiseaux s’en serviront sans aucun doute pour se désaltérer et s’y baigner. Là aussi, il faut bien se documenter sur le sujet avant de se lancer, mais cela en vaut la peine. Il est évidemment proscrit et interdit de prélever dans la nature des espèces pour les installer dans la mare créée.

Voilà donc un tour non exhaustif de ce qu’il est possible de réaliser pour que son jardin devienne un espace partagé avec la faune locale. A titre d’exemple, voilà ce que j’ai fait en trois années dans notre jardin de 500 m², labellisé Refuge de la LPO, en Seine Saint-Denis, un milieu donc fortement et densément urbanisé :
- Coupe partielle ou totale des thuyas,
- Aucun produit phytosanitaire utilisé / potager bio (je galère mais bon…),
- Haie de troène déjà existante au pied de laquelle je laisse courir le Lierre,
- Installation d’abris pour les hérissons, tas de bois,
- Pose d’un abri à Chauve-souris (inoccupé),
- Pose de nichoirs à destination de différentes espèces d’oiseaux (Mésange bleue et Charbonnière s’y reproduisent),
- Nourrissage hivernal en différents points,
- Plantation de nombreux petits fruitiers et arbres fruitiers,
- Petite friche et tonte réduite,
- Création d’une petite mare,
- Hôtel à insectes principalement à destination des abeilles sauvages.

A ce jour, 34 espèces d’oiseaux fréquentent le jardin à un moment ou un autre dans l’année, Hérisson d'Europe (reproduction en 2020), Fouine et Pipistrelle commune y sont visibles très régulièrement, 9 espèces d’Odonates, Lucane cerf-volant, Grande sauterelle… J’attends les Batraciens et le Lézard des murailles.

Quelques références :
Refuges LPO, un engagement citoyen pour des jardins, des balcons accueillants pour la faune locale.
Film de Sylvain et Marie-Anne LEFEBVRE « Jardin sauvage, la biodiversité à portée de main », une démarche personnelle de réaménagement du jardin en tant qu’espace refuge.
Des terres et des Ailes, un programme de la LPO pour une agriculture respectueuse de la biodiversité.
Le site dédié à la construction de nichoirs pour de très nombreuses espèces d'oiseaux, une mine !
Texte et photos : Vincent Limagne